How real is real?
Qu’est-ce qu’une peinture contemporaine ? Ou pour reformuler cette accroche quelque peu abrupte, qu’estce-que la peinture a encore à nous dire voire peut-être à nous apprendre ?
Le postmodernisme en replaçant l’artiste au centre et en réaffirmant sa primauté quant à ses œuvres éventuelles qui concourent surtout à composer et recomposer ce fameux story-telling a ce faisant, imposé sa prédilection pour des récits et des fictions hautement personnelles.
Ainsi, c’est désormais cette singularité du Sujet qui intéresse et dont il est attendu que les objets d’art qu’elle génère participent aux différentes propositions narratives énoncées par des langages et des formes qu’il s’agit d’avantage désormais de réinvestir puisque plus rien ne se crée et que nos marges de transformation se font de plus en plus troites. Et voici deux peintres d’une même génération : Hicham Matini et Saad Nazih qui viennent ébranler cet échafaudage théorique que semblait pourtant étayer les pratiques d’une large majorité des peintres ayant débuté leurs travaux à ’avènement du millénaire… Bien que parfaitement distincte l’une de l’autre, leurs deux peintures se distinguent surtout des thèmes et usages du postmodernisme par leur prédilection pour de minutieuses compositions sous forme de fresques
hyper-détaillées. Celles-ci semblentrenouer avec ces allégories du sacré puisées dans les corpus bibliques et qui ornent notamment les églises italiennes durant La Renaissance.
Les sujets de l’idolâtries ont changé pour laisser place aux symboles de nouvelles idéologies, mais il s’agit bien sûr dans les deux tendances considérées de représentation ou incarnations de ceci que Roland Barthes conceptualise puis qualifie de Mythologies…
Figurative… Allégorique… et en même temps hyperréaliste ! Soit la manipulation d’outils et de techniques du classicisme au service d’objets ou même plutôt de préoccupations d’actualité, non !, plutôt et même d’anticipation dystopique presque sciencefictionnelle…
D’évidence, cette peinture oxymorique que développent Hicham Matini et Saad Nazih est l’expression formelle et conceptuelle d’une rupture à l’œuvre dans le cours encore juvénile de cette histoire de l’art en énonciation au Maroc…
Histoire juvénile comme nous avons tenu à le préciser à dessein mais qui se construit et qui construit désormais un continuum assez consistant pour faire l’objet d’une lecture analytique sinon explicative du moins conjecturelle. Et alors, cette mention analogique incipitale que nous avons émis en rapprochant les œuvres de Matini et de Nazih avec cette période artistique de La Renaissance peut être pertinemment mobilisée… En effet, qu’est-ce que La Renaissance sinon une relecture plastique des canons antiques ? ou encore un Humanisme éclairé par de nouvelles connaissances qui chasse peu à peu un Moyenâge sombre de fanatismes superstitieux et de vulnérabilités physiques et matérielles ? La Guerre de 100 ans, la Peste noire ou encore les Famines récurrentes semblent dépassées, et même mieux, de nouveaux horizons s’ouvrent aux occidentaux : « découverte » des Amériques (termesciemment mis entre guillemets en raison des problématiques notamment coloniales et ségrégationnistes qu’il soulève désormais – à raison !) et débuts d’une période de faste économique, industrielle et technologiques… Dans ce contexte l’art s’émancipe progressivement du religieux et de ses pruderies et interdits ou censures aussi bien thématiques que formelles, pour renouer notamment avec la sensualité très physique et très libre de l’Antiquité et notamment par exemple de la statuaire grécoromaine souvent dénudée… En quelque sorte, cette Renaissance aux apparences classiques que l’on pourrait interpréter comme un retour aux sources – ou au même comme l’écrira plus tard un certain Nietzsche, n’est surtout pas une régression mais bien une évolution historique. Elle poursuit le Gothisme qui introduit pour la première fois une forme de subjectivité sentimentale et personnelle dans un art précédemment qualifié de Roman.
Collectif
Hicham Matini, Saad Nazih, Mohammed Chaoui El Faiz