Mon ex a appelé

  • Souag, Moha
- 2021

Monsieur Decour magouillait avec mon père; père que j’appelais Dujardin. Puisque dans ces vaudevilles ou dans ces tragédies absurdes jouées dans le théâtre de la vie autant que sur scène, il y a toujours les deux côtés, cour et jardin! Les deux hommes faisaient leur business sur le dos des techniciens, des figurants ou des acteurs. Ils gagnaient leur argent en diminuant de moitié celui des plus démunis, des ignorants et, pire, se faisaient passer pour des saints compatissants qui prenaient de leur précieux temps et de leur vie familiale pour offrir du travail et du pain à des centaines de paysans ou de chômeurs qui, pour faire une figuration payée au salaire des USA, de l’Allemagne ou de la France au Studio Atlas mais tronqués par les bienfaiteurs qui s’en occupaient, acceptaient l’humiliation. Et il fallait presque baiser les mains et les pieds des deux satrapes pour obtenir un petit passage anonyme devant des caméras cannibalesques du cinéma universel. J’assistais souvent à ces transactions sans rien y comprendre. Je servais à boire ou je rangeais avec eux les liasses de billets qu’ils répartissaient, au salon de la maison, pour payer les gens. Ces pauvres bougres les attendaient pendant des semaines sinon des mois après les tournages et les jours de paye pendant de longues heures sous le soleil térébrant de Ouarzazate, Zagora, Erfoud ou Merzouga. La quantité d’argent que j’avais vue était énorme. Si l’argent pouvait coller comme de la poussière sur mes vêtements, je serais devenu un homme très riche. Mon père me préparait à la relève.

Pourquoi une ex peut-elle appeler après plusieurs décennies d’absence ? Ont-ils encore des choses à se dire ? À s’avouer ? À espérer ? Le narrateur va-t-il se rendre au rendez-vous à Marrakech avec son ex ? En voilà beaucoup de questions. Nombreuses parce que l’auteur de ce roman nous nargue un peu entre passé et présent, entre pensées insolentes et zigzags philosophiques, entre Rabat, Marrakech et la Californie. Alors qu’on a quelquefois l’impression que Moha Souag nous mène en bateau, c’est dans un road movie (imaginaire?) qu’il nous embarque.

Auteur

Moha Souag est né à Boudenib, dans le sud-est du Maroc où il a longtemps enseigné le français. Il fait ses études primaires et secondaires au Lycée Sijilmassa de Ksar-es-souk (Errachidia) puis des études de droit et de littérature à Rabat et à Fès. Il a obtenu le prix de la meilleure nouvelle française en 1991, prix organisé par RFI.

Son texte L’année de la chienne a été publié avec les lauréats de ce prix par la maison d’édition Seghers dans un recueil intitulé Mort d’un seigneur en 1991. Il a obtenu le Prix Grand Atlas, au Maroc, pour son roman Nos plus beaux jours. Il a tourné quelques documentaires dont l’un a obtenu le prix du cinéma Méditerranéen de Tetouan en 1986. Moha Souag a collaboré à diverses revues comme la Europe, Les Écrits du Quebec, Souka Dakar… Il est l’auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles dont certains sont traduits en turc et en arabe

Photo bandeau

Patrick Lowie

Auteur(s) Souag, Moha
Maison d'édition Editions Onze
Année 2021
Genre(s) Roman
Format Papier
Nb. de pages 154
Langue Français
Prix 145 dhs / 18 €
ISBN 978-9920-9107-0-5