Tara Lennart – Association pour l’écologie du livre
Tara Lennart est consultante dans le secteur de l’édition et a animé l’atelier Livre et écologie sur le stand de l’Institut français du Maroc (IFM) durant le SIEL 2025 . Sa sensibilité d’infatigable lectrice, couplée à son expertise du secteur de l’édition indépendante, lui confère un regard singulier, au plus près des textes, au plus près de celles et ceux qui les écrivent. Plume et cerveau de Bookalicious, média web dédié à la littérature indépendante et au secteur de l’édition, également autrice, elle s’intéresse en particulier à la forme courte.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours lié au monde des livres?
Tara Lennart: J’ai toujours été une grande lectrice. J’ai su lire très tôt et même avant de savoir lire, j’aimais les livres. Mon parcours est peu conventionnel, je n’ai pas fait d’études dans ce domaine, mais j’ai une longue expérience de journaliste dans la presse écrite. Je ne savais pas précisément quel serait mon métier plus tard, mais enfant, j’étais sûre d’une chose : je voulais travailler dans le monde du livre. J’ai créé Bookalicious en 2014, média en ligne dédié à l’édition indépendante, aux éditeurs moins visibles mais aux livres de grande qualité. Puis j’ai commencé à animer des rencontres littéraires sur des événements, et travailler à la programmation de salons et festivals, ce que je continue.
Toute mon activité professionnelle est articulée autour du livre, et de l’envie de faire lire. La médiation a toujours été au coeur de mon travail, de mes actions et de mes projets.
Qu’entendez-vous par écologie du livre?
Tara Lennart: On pourrait résumer le concept en le qualifiant de prisme par lequel on regarde, pratique et interroge son métier dans l’édition. C’est prendre en compte des questions matérielles liées à la fabrication du livre (son lieu d’impression, les matières premières utilisées…), des questions sociales en lien avec la pratique de nos métiers (rapports Nord/Sud, statut des travailleur·euse·s, juste rémunération…) mais aussi des questions symboliques relatives à la lecture et à la prescription (quelles maisons d’édition, avec quelle idéologie, quel contenu, quelle originalité…). Ce trépied d’écologies interdépendantes constitue la base de l’écologie du livre, telle qu’elle est portée par l’association pour l’écologie du livre depuis sa création. Elle s’inspire d’un concept de Félix Guattary, qui parlait déjà de ces trois écologies, mais sans les relier directement au secteur du livre. Ce n’est pas un mode d’emploi, bien sûr. C’est un support de réflexion et
d’actions concrètes à appliquer à son travail et à ses interactions avec les autres métiers de l’écosystème du livre.
Vous avez co-animé l’atelier Livre et écologie lors du SIEL 2025 à Rabat. Pouvez-vous nous parler de vos diverses rencontres entre Rabat et Casablanca?
Tara Lennart: Avec ma collègue Mathilde Charrier, nous avons rencontré des profils et des professionnel·le·s d’horizons très différents. Des étudiant·e·s de l’IUR, à Rabat, puis des étudiant·e·s de l’université Aïn Chock à Casablanca, ainsi qu’un large panel de professionnel·le·s du secteur du livre du réseau Biblio’dej. Et enfin, lors de notre intervention au SIEL, à Rabat, nous avons eu le plaisir d’échanger avec encore d’autres professionnel·le·s du secteur et de réfléchir ensemble à ces notions d’écologie et d’application concrète des concepts. C’était très enrichissant de pouvoir échanger sur le fond, de parler de la réalité du secteur du livre au Maroc, et de la mettre en perspective avec les écueils et limites que nous rencontrons en France, notamment en terme de concentration éditoriale et de sur-production.
Suite à cette courte expérience, quelles seraient les conditions favorisant l’émergence d’une écologie du Livre au Maroc?
Tara Lennart: S’il y a des livres, il y a naturellement la possibilité de penser son travail de manière écologique, en s’appuyant sur le trépied cher à l’association : écologies matérielle, sociale et symbolique. L’interprofession existe au Maroc, elle se montre particulièrement dynamique et en recherche de
solutions pour structurer un écosystème solide. Bien sûr, il est indispensable qu’il y ait une véritable politique culturelle à l’œuvre et un soutien aux démarches de fond.
Propos recueillis par la Maison du livre – Juillet 2025